mardi 1 janvier 2013

[S3] Un vœu pour Noël



À l'occasion de la nouvelle année, une short short de circonstance !

Un vœu pour Noël



Ma fille jouait avec ses poupées en fredonnant la chanson de générique du dernier Roi Lion quand, sans même détourner les yeux de son jeu, elle a dit :
« Si tu pouvais faire un vœu, n’importe lequel, ce serait quoi ? »
J’ai soupiré, je l’ai regardée. Dehors, le vent soufflait. Il était 17h mais la nuit était déjà tombée. On nous annonçait une tempête d’anthologie, une histoire de fin du monde à l’approche de Noël, quelque chose avec les Mayas que je n’avais pas bien saisi, ou pas voulu comprendre.
Ma fille avait cru que la radio parlait de Maya l’abeille.
« Je ne sais pas. Peut-être travailler moins, pouvoir passer plus de temps avec maman et toi. »
J’ai ressenti un pincement au cœur. Le boulot… Il fallait y passer tellement de temps, y dispenser tant d’énergie, pour satisfaire d’éternels insatisfaits. J’étais usé par mes années de labeur, mon costume trop grand dont j’étais si fier jusqu’alors, me sortait dorénavant par les yeux et je ne redoutais rien tant que le décrocher de la penderie pour l’enfiler, moment qui était précurseur de journées infernales. Je ne m’en étais même pas défait en rentrant, comme s’il s’était agi d’une seconde peau, comme si je n’existais pas en dehors.
Je sentais qu’il allait neiger. Encore une galère. Gérer la logistique, par un temps aussi exécrable, c’était double corvée, triple punition. Il y aurait des retards, des clients mécontents, de la marchandise abîmée, bradée, refusée. Encore. Et, une fois encore, je ne passerai pas les fêtes avec ceux que j’aime.
Ma fille a dégrafé les habits de princesse de sa poupée préférée – celle avec le fard à paupières vert jade – et s’est évertuée à lui enfiler une tenue visiblement trop petite et plus adaptée aux bimbos de chez Mattel qu’aux adulescentes de Disney.
Renonçant bientôt devant l’ampleur de la tâche, elle a repoussé ses cheveux en arrière en levant les yeux au ciel, comme une petite grande qu’elle était.
« Ça m’énerve. »
J’ai souri, mais, avant d’avoir pu trouver un trait d’esprit pour dédramatiser, elle a enchaîné.
« Moi, si je pouvais faire un vœu, je voudrais que ce soit Noël tous les jours. »
Dans la rue, les décorations accrochées au réverbère se sont illuminés comme pour lui répondre, et elle a gloussé.
Mon sourire s’est figé.
« C’est une excellente idée, ma chérie » ai-je dit, mais le cœur n’y était pas.
Dans un élan de tendresse, je l’ai serrée contre moi.
« Tu me fais mal. »
Je l’ai embrassée sur le front, elle est partie vers les escaliers, direction la cuisine, où sa mère chantonnait la même chanson du Roi Lion.
J’ai regardé mon costume rouge froissé, mon bonnet fourré qui me donnait des rougeurs sur le front, ma hotte de travail.
Noël tous les jours.
Pitié, tout mais pas ça.

4 commentaires:

  1. Je pensais que t'y croyais encore... mais pas tous les jours.
    Au fait, y'a une faute d'orthographe :
    'se sont illuminé'

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    1. Merci, c'est corrigé !

      J'y crois encore, mais la nuit :)

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  2. Super, comme toujours, je ne m'attendais pas à la fin, très touchant et émouvant
    et triste à la lecture ( Kinou)

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    1. Merci. Mais non, ce n'est pas triste, c'est la chanson du Roi Lion.

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